Par Thierry Warin
25 mai 2011
DANS LES CINQ PROCHAINES ANNÉES, HAÏTI RECEVRA UNE AIDE INTERNATIONALE COMME ELLE N’EN A JAMAIS REÇUE. IL EST IMPÉRATIF DE NE PAS MANQUER CE MOMENT IMPORTANT DANS L’HISTOIRE D’HAÏTI.
Le tremblement de terre du 12 janvier 2010 n’est pas le premier. En 1770, un séisme majeur a dévasté Port-au-Prince et, en 1842, un autre tremblement de terre détruisit Cap-Haïtien dans le Nord. En plus des catastrophes naturelles, Haïti est également soumise à la faiblesse des institutions de premier plan et à la stagnation économique.
Cette situation «catastrophique» telle que catégorisée par la Banque mondiale a attiré beaucoup de bonnes volontés du reste du monde. Les 5 prochaines années verront l’entrée massive d’aide étrangère, comme jamais auparavant. Les années 2012 et 2013 seront particulièrement importantes : Haïti recevra annuellement environ 20% de son PIB en aide.
L’histoire d’Haïti est unique. C’est Christophe Colomb qui en 1492 nomma l’île Hispaniola. Son principal intérêt est l’or qui se trouve dans l’est. Laissée vide par les Espagnols, la partie ouest sera peu à peu occupée par des boucaniers français. C’est en 1697 par le traité de Ryswick que les Espagnols ne contestent plus la souveraineté de la France sur le tiers occidental, officialisant le nom de Saint-Domingue pour la partie française. Avant l’indépendance, Saint-Domingue est la colonie française la plus riche de toute l’Amérique et ses produits représentent un tiers des exportations françaises. La décennie précédant la prise la Bastille est marquée par le même débat d’idées qu’en France métropolitaine. Plusieurs généraux sont d’ailleurs issus de la révolution : André Rigaud, Alexandre Dumas ou Toussaint Louverture. Voté le 4 février 1794 à l’unanimité par la Convention, le décret d’abolition de l’esclavage confirme la déclaration des droits de l’Homme de 1789 dans les colonies. Pourtant, le 19 février 1794, les royalistes en Haïti signent le traité de Whitehall avec les Anglais. Les batailles et la prise de contrôle du pouvoir par Napoléon qui se voyait empereur, en plus du retour de l’esclavage en Martinique et en Guadeloupe en 1802 ont fini d’achever les espoirs des nouveaux affranchis. L’indépendance du pays est proclamée le 1er janvier 1804. Le nom d’Haïti est donné au pays. Les humanistes français ne pouvaient que s’en satisfaire.
La première impression lorsque l’on arrive à Port-au-Prince est que la vie à Port-au-Prince semble tourner aujourd’hui autour de quelques entreprises (télécommunications ou petits supermarchés) mais surtout autour de l’organisation de toutes ces institutions internationales. La présence de l’aide étrangère est effectivement importante, et sous de multiples formes : aide gouvernementale, internationale, non-gouvernementale, religieuse, laïque, médicale, etc.
Les quelques succès économiques qu’Haïti commençait à apercevoir en 2009 ont été réduits à zéro par le tremblement de terre. L’économie aujourd’hui n’est pas fondée sur une dynamique de production, mais davantage autour de l’organisation de l’aide. De plus de 20% du PIB annuellement sur les trois prochaines années, l’aide internationale promise peut aider le pays à deux conditions. Premièrement, l’aide doit être réellement versée à Haiti. Deuxièmement, les finances publiques du gouvernement doivent pouvoir soutenir et maintenir à long-terme les investissements réalisés grâce à cette aide. En plus de l’aide institutionnelle, la diaspora haïtienne fait parvenir l’équivalent de 20% du PIB haïtien chaque année en Haïti.
Alors que le PIB représente environ 6 milliards d’euros, les recettes fiscales nationales représentent à peine 10% du PIB. Comparé au volume d’aide, ce petit montant est un exemple criant de l’incapacité qu’a le gouvernement à actionner ses propres leviers pour lancer son économie dans la direction du développement. Les institutions gouvernementales gèrent l’urgence au quotidien. Un autre problème est le déficit commercial important, certainement aggravé par les flux d’argent étrangers. Le mal hollandais décrit par les économistes pourrait avoir une traduction moderne dans le mal haïtien.
Pourtant, encaissée dans une grande et vaste vallée entre deux montagnes avec la mer des caraïbes à l’ouest et la république dominicaine à portée de vue à l’est, Port-au-Prince est idéalement située. On peut imaginer une augmentation du tourisme, un développement de l’agriculture ou une industrialisation de l’île.
Mais des réformes institutionnelles plus profondes doivent aussi être mises en place. Une reforme du code des impôts et du cadastre devrait être réalisée. Cette reforme devrait aussi lutter contre les inégalités et aussi permettre une augmentation des recettes fiscales. Sans augmentation des recettes, le gouvernement ne pourra pas maintenir les investissements qui seront faits dans le pays. Une réforme majeure de l’éducation devrait être mise en place garantissant l’universalisme prévu dans la constitution haïtienne. Cette réforme devrait être accompagnée de la mise en place d’une carte scolaire donnant les moyens au ministère de l’éducation de renforcer ses mécanismes d’action. Enfin, une politique agricole et industrielle doit être mise en place pour corriger au plus vite le déficit commercial.
Il y a des raisons à être optimiste. Mais la crise économique qui frappe en particulier les États-Unis avec ses 300 millions de consommateurs et l’Europe avec ses 500 millions de consommateurs peut peser sur la disponibilité de l’aide internationale et sur les transferts de la diaspora tout en n’offrant pas l’oxygène nécessaire à la croissance d’Haïti.